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L’ACCEPTATION DES RISQUES DANS LA PRATIQUE SPORTIVE

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Le 16/04/2024

Dans quelle mesure l’acceptation des risques inhérents à une épreuve sportive, impacte-t'elle l’indemnisation des dommages causés par le fait personnel des participants ?


A l’approche des Jeux Olympiques de Paris, nombre d’entre nous allons découvrir - ou redécouvrir - des sports tout aussi fascinants que potentiellement dangereux, tels que :

- certains sports collectifs, comme le handball ou le rugby ;

- certains sports impliquant des animaux, comme l’équitation ;

- le lancer de poids, de javelot ou le saut en hauteur ;

- certains sports martiaux, comme le judo ; etc.,

en omettant parfois les risques de blessure ou de dommages matériels qu’ils impliquent.

Or, dans toutes compétitions sportives, certains des participants risquent de causer des dommages matériels (à des biens) ou de causer des blessures, mais aussi à être blessés.

Quelle responsabilité les participants à des épreuves sportives encourent ils, en cas de dommages causé, de leur fait, à d’autres participants ou à leurs biens ?

Quelles sont leurs chances d’indemnisation lorsqu’ils sont blessés en cours d’épreuve sportive ?

Pour répondre à ces questions, il importe d’appréhender la notion d’acceptation des risques, propre au droit de la responsabilité civile, qui s’applique, en vertu d’une jurisprudence très fournie, au cas spécifique des compétitions sportives.


  1. Le périmètre de la notion d’acceptation des risques en matière sportive

  1. L’acceptation, limitée aux risques normaux inhérents à une activité :

Notion propre au droit de la responsabilité civile, l’acceptation des risques « procède de l’idée qu’en certaines circonstances, la victime, en se livrant, en connaissance de cause, à une activité génératrice de risques particuliers, doit pouvoir être considérée comme ayant accepté les risques inhérents à cette activité ». (Brun Ph., Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, 5e éd., 2018, n°348, p. 235).

L’acceptation des risques peut être faite expressément, mais également tacitement, tout simplement en participant à l’activité présentant, par nature, certains risques.

Dans tous les cas, cette acceptation n’est pas absolue, puisque seuls les risques normaux, sont susceptibles d’acceptation, comme par exemple, le risque :

- pour un cavalier, d’être désarçonné par son cheval ; (Civ. 2e, 15 avril 1999, n°97-15.071)

- pour un footballeur, de recevoir un ballon dans le visage. (Civ. 2e, 13 janvier 2005, n°03-18.918)

En revanche, ont été jugés inacceptables, le risque de mort dans le cadre de la participation à une frégate de haut niveau (Civ. 2, 8 mars 1995, n°91-14.895), et le risque d’aggravation des conséquences d’un accident par une carence, en suite d’un événement de plongée, dans la réalisation des secours d’urgence adéquats. (Civ. 1re, 9 mars 1983, Inédit)

2. L’acceptation des risques, limitée à certaines situations en matière sportive :

  • La théorie de l’acceptation des risques s’applique aux accidents survenus en cours de compétitions sportives, sauf celles au cours desquelles l’un des participants est victime de dommages corporels (blessures et leurs conséquences) causés par une chose (moto, side-car, automobile...)[1][2]

Par exemple, un joueur de football maladroit qui en blesse un autre et détruit les affaires d’un troisième au cours d’une manifestation sportive, pourrait se prévaloir de l’acceptation des risques, tant à l’égard du joueur blessé, que de celui dont les affaires ont été endommagées.

En revanche, si l’un des participants à un rallye automobile fait une sortie de route et percute le véhicule d’un de ses concurrents, il sera responsable de plein droit des blessures causées par son véhicule à l’autre coureur (art. 1242 du Code civil) sans pouvoir se prévaloir de cette théorie.

Il ne sera en revanche pas responsable des dégâts causés au véhicule percuté, en vertu de l’article L.321-3-1 du Code du Sport.

  • La théorie de l’acceptation des risques ne s’applique pas aux accidents survenant lors d’entraînements, ou d’activités sportives pratiquées à titre récréatif.

Ainsi, un sportif maladroit qui blesse l’un de ses compétiteurs au cours d’un entraînement, ne pourra pas lui opposer son acceptation des risques pour s’exonérer de sa responsabilité.

De même, un enfant qui blesse, même involontairement, l’un de ses camarades au cours d’une partie de foot improvisé, rendra ses parents civilement responsables des blessures causées par son fait à l’égard de son camarade sur le fondement de l’article 1242 du Code civil.


II. L’influence de la théorie de l’acceptation des risques sur les parties concernées en cas d’accident survenant en cours de compétitions sportives :

Trois catégories de personnes sont susceptibles, dans une plus ou moins grande mesure, d’être impactées par la théorie de l’acceptation des risques lors de compétitions sportives : les joueurs, (1.) les organisateurs de la manifestation sportive, (2.) et les victimes de dommages. (3.)

  1. L’impact de la théorie de l’acceptation des risques sur les participants à une compétition sportive :

L’acceptation des risques, a pour effet de rendre plus difficile la caractérisation d’une faute génératrice de responsabilité individuelle à l’égard des participants à des compétitions sportives.

Dans le domaine du sport et en raison de l’acceptation des risques qui y sont inhérents, la faute doit, pour être retenue, être caractérisée voire grossière, constitutive d’un véritable manquement aux règles du jeu ou de la loyauté sportive, comme par exemple :

- dans le cadre d’un tournoi de rugby, une violation des règles de positionnement de mise en mêlée d’un ou plusieurs joueurs ou de poussée irrégulière, ayant entraîné l’effondrement d’une mêlée fermée ; (CA Agen, 20 novembre 2002, n°2001/38)

- dans le cadre d’un match de football, un tacle violent commis par le joueur d’une des équipes sur un membre de l’équipe adverse, un tel acte constituant une faute grossière au sens des règles de la Fédération française de football. (Civ. 2e, 29 août 2019, n°18-19.700)

2. L’impact de la théorie de l’acceptation des risques sur les associations et groupements, organisateurs de compétitions sportives :

La théorie de l’acceptation des risques impacte, dans une moindre mesure, les organisateurs de compétitions sportives, dans la mesure où ces derniers :

- lorsqu’ils sont des groupements sportifs, ce qui est généralement le cas, ont pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres ;

- en tout état de cause, sont responsables des dommages que causent les participants aux compétitions qu’ils organisent. (Art. 1242 Code civil, CA Agen, 20 novembre 2002, n°2001/38)

Toutefois la faute commise par un participant n’est pas la seule circonstance susceptible d’engager la responsabilité des associations et des groupements, organisateurs de manifestations sportives, puisqu’ils sont tenus à :

- une obligation de sécurité de moyens à l’égard de tous les participants à ces manifestations ;

- une obligation de prudence et de diligence, voire d’anticipation des problèmes susceptibles de survenir. (Civ. 1re, 16 mai 2006, n°03-12.537 ; CA Agen, 20 novembre 2002 précité)

Plus le sport concerné est dangereux, et donc le risque encouru important, plus le degré de vigilance exigé à l’égard des associations et groupements sportifs qui organisent des manifestations sportives est élevé.

3. L’impact de la théorie de l’acceptation des risques sur les victimes d’accidents survenant en cours de compétitions sportives :

Dans le cadre de compétitions sportives, la victime d’un accident de jeu, dans lequel aucune chose (notamment véhicule) n’est impliquée, ne peut imputer à l’auteur des dommages qu’elle subit, que les actes fautifs qui outrepassent le cadre des risques normaux inhérents à l’activité concernée, qui ont causé directement et de manière certaine ses dommages.

Elle doit également prouver l’existence de la faute directement à l’origine de son dommage.

En revanche, l’auteur du dommage et l’organisateur de la compétition sportive pourront, le cas échéant, opposer à la victime sa propre faute pour s’exonérer, partiellement ou en totalité, de leur responsabilité.

Concernant la faute de la victime, il s’agira souvent d’une faute de négligence ou d’imprudence.

La faute de la victime est évaluée au cas par cas au vu, notamment, du niveau de connaissance des risques encourus, de son niveau de compétence et des circonstances de l’accident.


[1] Lorsqu’un dommage corporel est causé à un concurrent par une chose au cours d’une compétition sportive, la responsabilité du gardien de la chose (qui a le pouvoir d’usage, de direction et de contrôle) est, sauf réglementation particulière, engagée sans qu’il ne soit nécessaire de prouver une faute. (Civ. 2e 4 novembre 2010, n°09-65.947 ; 2 juillet 2015, n°14-19.078 ; 14 septembre 2017, n°16-21.992 ; Civ. 2e, 14 avril 2016, n°15-17.732)

[2] A noter que la Cour de cassation est venue préciser, en 2005, que la responsabilité du fait des choses prévue par l’article 1242 du Code civil ne s’applique pas aux dommages causés par un ballon de football, dans la mesure où celui-ci n’a pas de gardien défini. (Civ. 2e, 13 janvier 2005, n°03-18.918)

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